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DES INGRÉDIENTS ANCESTRAUX À L’HONNEUR AU PÉROU
12-08-2021

DES INGRÉDIENTS ANCESTRAUX À L’HONNEUR AU PÉROU

Charles Richer

Un centre de recherche agricole de pointe et un célèbre chef ont sauvé de l’extinction des ingrédients traditionnels et fait connaître la cuisine des hauteurs de la Vallée sacrée des Incas.

Les voyages sont faits de petites victoires, et les miennes sont souvent le résultat de la gourmandise. Là, par exemple, alors que j’essaie de porter à ma bouche un tartare d’agneau sucré au nectar de cabuya (agave). L’exercice est périlleux, car la viande est recouverte de fleurs de sureau et délicatement posée sur un fin craquelin kañihua au quinoa.

Je prends une bouchée et ma voracité est récompensée par une explosion de saveurs et de textures qui dansent sur ma langue. C’était là le deuxième plat servi au Mil Centro, l’ambitieux complexe culinaire péruvien du chef Virgilio Martínez.

Je suis dans la Vallée sacrée des Incas, bande de terre de la cordillère des Andes nichée entre la ville de Cusco et le Machu Picchu. Le paysage est spectaculaire avec des pics enneigés et des lagons dans lesquels se reflète le ciel. C’est la région agricole la plus productive du Pérou, traversée par la rivière Urubamba.

Pleine de caractère et de charme, la vallée épargnée par la mondialisation est jalonnée de villes traditionnelles et de ruines. Une randonnée à travers de magnifiques champs de maïs et de quinoa m’a menée aux Salineras de Maras, d’impressionnants bassins salants à ciel ouvert construits avant l’époque des Incas pour retenir l’eau d’une source chaude riche en iode. L’eau s’évapore et laisse de gros amas de sel andin naturellement rosé.

Parmi les nombreux vestiges incas, c’est le site archéologique de Moray que j’admire de ma table. Derrière la baie vitrée, je vois aussi le jardin que j’ai visité plus tôt avec Riecel Damian, le serveur qui m’a montré la végétation indigène sauvage utilisée dans le menu gastronomique. Ces terres auraient servi de laboratoire agricole aux Incas, et chaque niveau de terrasse tire profit des microclimats qu’on trouve à différentes altitudes de la Vallée sacrée.

Ces ingrédients sont la source d’inspiration du chef Martínez pour le menu inventif « Alturas Mater » de son établissement phare à Lima, le Central Restaurante, ouvert en 2013. Son interprétation moderne de la cuisine andine a contribué à le catapulter sur la liste des 50 meilleurs restaurants du monde, puis à la quatrième place deux ans plus tard. Mil Centro va plus loin (ou plus haut) dans cette mouvance, se concentrant exclusivement sur le terroir de haute altitude.

À l’instar de la vénération dont jouit le Machu Picchu, les aliments traditionnels de la Vallée sacrée suscitent l’intérêt des gourmets du monde entier.

Le centre de recherche Mater Iniciativa préserve la diversité et le patrimoine bioculturels du Pérou en cataloguant et en étudiant des centaines de produits indigènes des Andes et de l’Amazonie. Cette initiative dirigée par Malena, la sœur du chef, noue un lien entre la nature et les gens grâce à des expériences culinaires, car les trouvailles sont incorporées aux plats servis dans les restaurants de la famille. Ainsi, la talentueuse Pía León (épouse du célèbre chef) est la copropriétaire et la gérante du restaurant Kjolle dont le menu s’inspire des saisons, et le bar Mayo met en valeur les résultats des recherches du centre dans les spiritueux et les boissons.

On peut admirer cette fusion du savoir traditionnel et de la technologie moderne sur les terrasses agraires où poussent une immense variété de légumes, notamment des pommes de terre, l’aliment le plus important chez les Incas.

LES SALINES DE MARAS, QUI COMPTENT PLUS DE 5 000 BASSINS EN CASCADE

Pour les pommes de terre, le chef Martínez fait appel à Manuel Choqque Bravo, ingénieur agricole et agriculteur de quatrième génération à Huatata. Ce « magicien des pommes de terre » en a cultivé plus de 380 variétés, notamment l’oca et la mashua qui remontent aux cultures incas et préincas et qui avaient presque disparus. Il a apporté des améliorations génétiques naturelles par pollinisation croisée manuelle, et ses légumes hybrides aux pigments intenses présentent de meilleures valeurs nutritionnelles, une plus belle texture et une excellente saveur. En plus de faire revivre cette culture andine vénérée et de préserver les méthodes agricoles traditionnelles, il a donné une nouvelle valeur aux tubercules en élaborant la gamme de vins biologiques Miskioca à base d’oca, servi dans les meilleurs restaurants.

COCHON D’INDE RÔTI (CUY), UNE SPÉCIALITÉ DE LA RÉGION DE CUSCO

La gastronomie me passionne et j’adore goûter des saveurs uniques, donc j’ai été éblouie par la pléthore d’ingrédients « exotiques » (à mes yeux!) dans ces innovations novoandinas. Les saveurs n’en ont été que meilleures lorsque j’ai cerné le contexte culinaire.

« Ce que nous faisons est davantage lié à notre culture, à notre relation avec la nature, à nos fermes et à la façon dont nous produisons les aliments », m’a expliqué le chef.

Et je l’ai apprécié lors de mon expérience culturelle gustative au Mil. Chaque plat innovant des hauteurs m’offrait des bouchées d’un écosystème des Andes péruviennes. Plus je me délectais, plus j’avais faim de découvertes.

J’ai posé mon regard sur la table pleine d’ingrédients andins et j’ai mentalement énuméré les aliments colorés et les saveurs. Puis mes yeux se sont arrêtés sur une sélection des 4 000 variétés de pommes de terre du Pérou, humble rappel du fait que même si j’avais désormais bien abordé la cuisine andine, je n’avais eu en bouche qu’un petit échantillon de celle-ci. a bar highlighting Mater’s research results in spirits and beverages.

 

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